lundi 2 mai 2011

Bin Laden est mort? Lock down!

Boston, 27 avril 2011: Le Canadien de Montréal est éliminé des séries éliminatoires de la Coupe Stanley par leurs rivaux éternels, les Bruins de Boston. Des cris d'effroi déchirent la nuit de Montréal jusqu'à Dubaï, en passant par Paris. Des statues de la Sainte-Vierge pleurent d'avoir abandonné l'équipe pour la 18e consécutive.

London, 29 avril 2011: Les britanniques célèbrent le mariage de Kate et William, futur héritier du trône d'Angleterre.

Kabul, 30 avril 2011: les Talibans annoncent leur offensive printanière annuelle, qui généralement finit comme un pétard mouillé.

Nuit du 1er au 2 mai 2011. Bin Laden est décédé, tué jusqu'à ce que mort s'ensuive par un commando américan à Abbottabad, Pakistan, coupant les jambes de l'organisation terroriste Al-Qaida. Son corps est rendu à la mer comme il se doit, question d'éliminer les preuves ou de permettre à son corps de se retrouver sur une plage iranienne?

Cette série d'événements anodins a créé une réaction immédiate de l'équipe de sécurité de notre partenaire en Afghanistan, et sans doutes toutes les autres compagnies étrangères opérant en Afghanistan, séquestrant ainsi tous les consultants dans les diverses maisons sécurisées éparpillées dans la ville de Kabul.

C'est évidemment durant cette semaine chargée d'émotion que mon collègue et moi avions une mission prévue sur place. Certains pourraient croire à un acharnement du sort...après tout, les américains ont eu 3516 jours depuis le 11 septembre 2001 pour éliminer ce charmant personnage. Il a évidemment fallu qu'ils attendent les 5 jours où j'étais sur place pour s'en occuper. Coincidence? Ou conspiration du gouvernement américain pour m'embêter?

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Après un congé pascal bien mérité à Zurich en bonne compagnie, où j'ai pu notamment visiter la charmante ville de Lucerne et admirer la vue à partir du sommet du mont Pilatus, j'ai poursuivi mon chemin vers Dubaï pour quelques jours de travail avec 2 collègues qui donnaient de la formation à certaines ressources de notre client. Toutefois, dès le vendredi un des deux collègues et moi-même mettions le cap sur Kabul, capitale bien connue d'un pays dont le nom fait frémir mes fidèles lecteurs, l'Afghanistan.

Comme vous pouvez vous en douter, j'étais quelque peu méfiant à l'idée d'un jour poser mes petits petons en sol afghan. Après presque deux ans de tergiversations, d'hésitations et d'atermoiements, et pas nécessairement dans cet ordre, j'ai fini par céder aux pressions plus ou moins indues de notre partenaire et, pour le bien du projet et de la Patrie (afghane), j'ai fini par accepter d'envoyer un programmeur sur le terrain pour faciliter le travail. Puis, quelques jours plus tard je fus pris de remords et j'ai décidé de l'accompagner.

Kabul est une ville de 2,5 millions d'habitant dont les immeubles de plus de 4 étages se comptent sur les doigts des deux mains. Elle est enclavée dans une cuve formée par les montagnes de l'Hindou-kouch, et s'étale à environ 1800 mètres d'altitude. On sent bien le manque d'oxygène, ce qui crée un inconfort d'ailleurs empiré par la poussière ambiante.


Une partie de Kabul

Mes premières impressions à l'arrivée furent que Kabul, en fait, semblait bien tranquille. Les gens sont sympathiques et vivent dans un monde traditionnel, les conducteurs conduisent mal, les routes ressemblent à Montréal au printemps. Certaines femmes sont simplement voilées, d'autres portent la burka. Toutefois, un petit détail revient constamment titiller notre sens du surréalisme: la présence quasi uniforme de gardes de sécurité, policiers ou militaires à travers la route. Ici et là, on retrouve un véhicule blindé, un nid de mitrailleuse, un checkpoint (le gouvernement afghan a mis en place un "anneau d'acier" constitué de points de contrôle en périphérie de la ville afin de réduire les risques qu'un Taliban ne pénètre la ville chargé d'explosifs), quelque policier égaré, qui avec sa mitraillette, qui avec un lance-roquette antichar (si, si, mais bon on en a vu seulement un ainsi attifé). On finit toutefois par s'habituer à leur présence généralement bénéfique pour la sécurité de la population de la ville et des ressortissants étrangers.


Présence subtile des forces afghanes - on peut y voir l'armée, la police et la police secrète (l'agent est caché)


Jeunes Afghanes

Outre les militaires, on peut également croiser sur la route des piétons n'hésitant pas à traverser la route malgré le flot tumultueux et incessant du trafic, la signalisation étant quasi inexistante, des cyclistes, des autobus Tata à moitié rouillés, des Toyota (90% des voitures sont de cette marque), des cheptels de chèvres ou de moutons, des chars tirés par des chevaux, des mules ou des hommes, des motos...ce qui frappe également est le niveau de vie extrèmement bas. Des pompes sont installées un peu partout dans la ville pour que les gens puissent puiser l'eau potable. D'ailleurs, les terrains les moins chers sont ceux à flanc de colline - la difficulté de monter l'eau nécessaire à la survivance contrebalance efficacement la jolie vue qu'on y a de Kabul...


Les boucs de combat sont légèrement teints pour une raison obscure 


Pompe à eau


Magasins installés dans des containers


Cimetière d'autobus de l'ère de l'occupation soviétique

Les expatriés ici suivent des règles de sécurité très strictes: une liste de restaurants sécuritaires est établie et révisée régulièrement, les voitures ne suivent jamais le même chemin, l'équipe de sécurité connait tous nos déplacements et une force d'extraction rapide est disponible en tout temps, au cas où. Dans les faits, les risques à Kabul sont assez faibles et il faut simplement éviter d'être au mauvais endroit au mauvais moment. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, les cibles ne sont pas les étrangers en général mais bien le gouvernement afghan et ses employés, les forces armées et policières locales, l'ONU, les intérêts américains, les bases de l'OTAN, etc.

Il est également permis de se promener en voiture en autant qu'on s'en tienne aux zones sécuritaires et que notre position est connue. Ainsi, le jour même où Bin Laden allait se faire abattre, nous avons pu nous promener en ville et visiter deux anciens palais presque complètement détruits par les Talibans, la tombe du dernier Shah dont la dépouille aurait été ramenée en 2003 et un parc verdoyant où fleurissent les roses.


Palais du roi, légèrement endommagé

D'ailleurs les zones verdoyantes sont rares et éphémères. Les eaux de fonte font surgir du sol moult herbes et fleurs pour une durée limitée, car la poussière finit bien vite par reprendre ses droits.

Nous en avons également profiter pour arrêter près des marchés afin d'acquérir un chapeau afghan et un foulard de moudjahidine, me permettant ainsi de me fondre dans la foule. Presque.


Chapeau et foulard moudjahidine

Malheureusement, le réveil fut choquant: Bin Laden est mort. Encore? Et oui, et cette fois c'est pour de bon! Il ne ressuscitera pas, apparemment. Message immédiat de la sécurité: Lock down!

Un lock down est une mesure préventive.de sécurité  Lorsque le risque d'attaque en ville augmente, l'équipe de sécurité ordonne un lock down. Les expatriés doivent alors rester où ils sont si le lieu est sécurisé - c'est le cas des compounds (où je me trouve), des immeubles administratifs comme le Ministère où on travaille, etc. Si on est sur la route, le chauffeur doit revenir au bercail rapidement. Ainsi, nous sommes en lock down depuis ce matin et ce, au moins jusqu'à demain matin alors que la situation sera réévaluée. La journée a toutefois été fort tranquille et nous avons quand même pu marcher jusqu'à la maison sécurisée voisine, où les consultants locaux nous avaient préparé un repas gastronomique typiquement afghan - kebabs d'agneau, riz aromatisé, yogourt à la menthe et concombre légèrement épicée, dumplings afghans, pain plat, salade de tomates, concombre et oignons, poudding, fruits...Les discussions ont fini par dévier sur le sujet du jour - il semble que la majorité des Afghans de Kabul sont contents de la disparition de Bin Laden. Reste à voir comment la ville réagira dans les prochains jours.


Et on y mange comme des rois!

Bref, tout semble bien aller pour l'instant à Kabul, et nous souhaitons tous que ça continue ainsi!



vendredi 29 avril 2011

Ouagadougou gou gou pousse la nana et moue le café

Après plusieurs semaines à Montréal – mon dernier voyage au Liberia ayant eu lieu de la mi-février à la mi-mars, on m’a demandé de partir pour le Burkina Faso afin de compléter une mission exploratoire avec notre client.

Toutefois, durant le mois précédent mon départ, plusieurs troubles ont secoué ce petit pays francophone d’Afrique. D’abord, des émeutes estudiantines ont eu lieu suite au décès d’un jeune étudiant lors de son emprisonnement. Puis, la gronde s’est emparée de quelques unités militaires parce que la court militaire était trop conciliante avec soldats ayant commis plusieurs méfaits.

La situation s’étant stabilisée plusieurs jours avant mon envolée, il fut décidé de maintenir la mission. Malheureusement, les troubles ont repris durant mon périple : des éléments de la garde présidentielle ont décidé de manifester contre leur Président à cause des arriérés de leur solde. Ils sont donc descendus dans la rue, brisé quelques vitrines et tiré quelques coups dans les airs, ce qui a poussé le Président à déclarer un couvre-feu de 19h à 6h, et le Ministère des Affaires étrangères français de demander à Air France de détourner le vol sur Cotonou, Bénin, où nous sommes arrivés en soirée.

L’hôtel de Cotonou était bien, une grande piscine et un grand BBQ pour nous restaurer aux frais d’Air France. Évidemment, comme la journée n’était pas encore pleine de péripéties, il a fallu que le cuisinier mette le feu au repas sous la gigantesque hotte, ce qui a créé un immense nuage de fumée sous la petite hutte abritant les tables des divers convives, les poussant évidemment hors de la hutte et abandonnant le repas, qui à la fumée, qui aux oiseaux affamés voletant sans problème dans l’air vicié.

Magasin près de l'aéroport de Cotonou

Je suis donc reparti le lendemain matin pour ma destination originale, et j’ai eu l’honneur d’être accueilli par un ancien Ministre des Affaires étrangères et représentant à l’ONU en arrivant à l’aéroport. M. le Ministre (les gens conservent leur titre honorifique après leur mandat) m’a d’ailleurs accompagné à travers la capitale burkinabée. J’ai d’ailleurs pu rencontrer le Ministre des Finances durant ma prestation, ce qui était une très belle expérience.

L’hôtel était bien, quoique vidé de ses ressortissants par la crainte de la recrudescence des troubles. D’ailleurs, il y avait un joli trou de balle dans une des vitres du lobby – apparemment des gens sont entrés dans l’hôtel la veille, durant les émeutes, et ont volé la caisse. Par ailleurs, les burkinabés sont très sympathiques et leur accueil des plus chaleureux. Dommage qu’il y ait eu des troubles durant mon passage.

N'est-ce pas sympathique?

Même si la semaine a été très calme, sans doute grâce à ce couvre-feu qui me forçait à manger la bouffe trop chère de l’hôtel (20 euros pour un déjeuner constitué de viennoiseries, vous pouvez imaginer le reste), Air France a décidé d’annuler certains de ses vols. Heureusement que j’avais décidé (encouragé par une collègue et amie) de faire changer mon vol au jeudi au lieu du vendredi. Mon vol était effectivement annulé sans préavis, ce qui m’aurait forcé de rester jusqu’au mardi suivant sur place, manquant ainsi inévitablement mon vol pour Dubaï.



Vue de ma chambre d'hôtel

Le vol de retour a été pénible, probablement le pire que j’ai subi à ce jour. Au lieu de revenir directement sur Paris, nouvelle escale à Cotonou, puis attente pendant 2h30 sur le tarmac, dans l’avion, pour éviter que celui-ci n’arrive trop tôt à CDG et que Air France ne paie des pénalités. 2h30 dans un avion, c’est déjà pénible, mais quand il fait 35 dehors et que le système d’air conditionné ne fonctionne pas, c’est l’enfer. Un four avec à peine de convection.

Y en aura pas de faciles, mais ça reste toujours agréable.